Législation : Les Etats-Unis ? Ils soutiennent le projet français de taxation des géants du numérique, assurait le ministre des finances lors de la présentation d’une taxe de 3%. C’était aller un peu vite en besogne. Le pays menace à présent de saisir l’OMC.
Une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires réalisé en France par les géants du numérique, ce n’est certes pas parfait, mais ce n’est qu’une première étape, promettait Bruno Le Maire une semaine plus tôt. L’ambition française est désormais de porter cette mesure au niveau de l’OCDE.
Mais peut-on imaginer voir les Etats-Unis, qui hébergent la majorité de ces acteurs, se joindre à la démarche ? Le ministre français voulait le (laisser) croire, assurant que son homologue soutenait ouvertement cette initiative.
Résultat « extrêmement discriminatoire »
Les Etats-Unis souhaitent en vérité une taxation appliquée à tous les secteurs de l’économie, couvrant ainsi les multinationales françaises, loin elles aussi d’être exemplaires en matière de fiscalité. Et l’administration américaine vient de rappeler à quel point une taxe sur le numérique à l’échelle internationale était hypothétique.
Et à quel point aussi le « premier pas » annoncé par la France risquait d’être le dernier faute, comme à chaque fois, d’un consensus et d’intérêts divergents. Pour l’heure, le responsable du Trésor et maître d’œuvre des discussions fiscales internationales des US, dénonce une discrimination.
« Nous pensons que toute la base théorique des taxes sur les services numériques est mal conçue et que le résultat est extrêmement discriminatoire à l’égard des multinationales basées aux Etats-Unis » réagit Chip Harter.
La France « Etat libre et souverain »
Conséquence, ils envisagent de saisir l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, avec en perspective une possible condamnation. Les Etats-Unis rappellent leur position à la France : taxer plus certaines multinationales, oui.
« Mais nous pensons que cela devrait être fait sur une base plus large que la sélection d’un secteur particulier » souligne Chip Harter. Bruno Le Maire était passé un peu vite sur ce point lors de l’officialisation de la taxe, qui il est vrai rend plus improbable l’adoption de mesures internationales dès 2020 et plus difficilement acceptable de se satisfaire d’une taxe nationale telle qu’elle est proposée.
Bercy réagit en brandissant la souveraineté. Sa défense est certes louable, mais la seule posture n’est pas une mesure ou une politique. Le ministre déclare, cité par le Monde, que la France est « un Etat libre et souverain qui décide de sa taxation et qui la décide librement et souverainement. »
« La France est encore libre de fixer ses taxes et ses impôts en France ». C’est « légal », « même si je le reconnais bien volontiers, du point de vue de l’efficacité fiscale et économique, il faudra trouver une solution internationale » répondait-il déjà la semaine dernière.
Le gouvernement et la présidence Macron, à vouloir s’offrir coûte que coûte un trophée, avant les élections européennes et pour lancer leur campagne, sont peut-être allés trop vite en besogne.